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Hiraeth, la fin du voyage – tome 1, Yuhki Kamatani

Tu avais l’air de quelqu’un qui a perdu le monde entier et que la mort attire à elle.

Avec ce manga, j’ai enfin l’occasion de découvrir Yuhki Kamatani. Après des débuts remarqués avec son shônen Nabari, prépublié de 2004 à 2010, iel poursuit sa carrière avec des seinen plus intimistes décrivant le quotidien d’adolescents ne rentrant pas dans les normes de la société, comme Nos c(h)oeurs évanescents ou Éclat(s) d’âme (qui me tentent également beaucoup d’ailleurs…). Intrigué par le pitch atypique de cette nouvelle série, publiée au Japon en 2020, par sa thématique singulière et son graphisme soigné, je me suis lancé dans la lecture de ce premier tome, et je ne suis pas du tout déçu, bien au contraire !

Dévastée par la mort de sa meilleure amie, Mika, une lycéenne, tente de mettre fin à ses jours en se jetant sur la route. Mais alors qu’un camion roulant à vive allure allait la percuter, elle est sauvée par un homme immortel, nommé Hibino. Il accompagne un dieu à l’apparence juvénile jusqu’à sa dernière demeure : Yomi, le légendaire pays des morts. Dans l’espoir d’y retrouver son amie dans l’au-delà, Mika décide de se joindre à leur périple…

Dans ce premier tome, on va faire connaissance avec trois personnages singuliers : difficile de parler de cette série sans les avoir présentés !
Mika, l’héroïne, dont le visage rayonnant s’affiche en pleine page de la somptueuse illustration de couverture, est une jeune fille d’apparence enjouée, mais qui cache au fond d’elle une profonde tristesse due à la perte soudaine de son amie, sans lui laisser la possibilité de lui dire adieu, ou tout simplement tout ce qu’elle aurait voulu lui dire de son vivant. Pour cette personne qui est « plus importante que la vie elle-même », elle n’hésite pas à tout laisser derrière elle afin d’entreprendre ce voyage à travers le pays, jusqu’à la localisation supposée de l’entrée souterraine du pays de Yomi. 
Son sauveur, Hibino, est un homme détenant, pour une raison mystérieuse, le don de l’immortalité. Si son passé demeure inconnu, il y a quelques indices disséminés dans le tome qui indiquent qu’il était déjà en vie à l’époque d’Edo… Après des siècles d’errance, il est fatigué de son existence, et a décidé de se rendre au pays de Yomi pour y mettre un terme. En chemin, il espère trouver son « âme-soeur », mais ne recherche pas autre chose que des relations amoureuses de courte durée avec les hommes qu’il croise, pour s’épargner ainsi qu’à son partenaire des souffrances inutiles liées à son immortalité. Autant dire que sa quête s’annonce complexe… En tout cas, il ne manque pas de charme et il le sait, avec son style de yakuza rétro et sa moto équipée d’un side-car !
Le dernier membre de ce trio atypique n’est autre qu’une divinité d’une région du Nord du Japon. Il ne porte pas de nom, et a choisi l’apparence d’un beau jeune homme aux cheveux clairs pour apparaître aux yeux des mortels. Sentant sa fin approcher, c’est lui-même qui a décidé de se rendre à Yomi seul, avant d’être rejoint par Hibino puis par Mika. Détaché des considérations humaines, il profite de ce voyage pour rendre un dernier hommage à certains de ses amis dans différents sanctuaires, mais surtout pour observer les humains, notamment lorsqu’ils arrivent aux portes de la mort. Il apprécie également de découvrir les petits plaisirs de la vie moderne, comme les sucreries des konbini, ou encore le smartphone.

Le voyage de ce petit groupe va logiquement prendre la forme d’un road-trip, jalonné de plusieurs étapes comme autant de rencontres : une formule qui fonctionne à merveille ici. En effet, en dehors de l’objectif du voyage, il n’y a pas vraiment d’intrigue à proprement parler. On est plus sur de la tranche de vie, dans laquelle les personnages vont chacun apprendre à se connaître au fil des jours, en même temps que le lecteur découvrira des éléments de leur passé ou de leur personnalité. Il s’agit ici d’un véritable récit initiatique, dont les rencontres vont enrichir les personnages et leur perception de la vie, ou de la mort surtout, qui est le thème central de la série. Après des chapitres introductifs, une bonne partie du tome est ainsi consacrée à la rencontre avec une vieille dame tenant depuis toujours une auberge dans la région de Hakone. J’ai trouvé que les scènes avec cette gentille grand-mère étaient particulièrement touchantes, justes et empreintes de beaucoup de pudeur et de nostalgie, avec une réflexion pertinente sur le poids considérable que pèsent les souvenirs de proches après leur départ auprès de ceux qui restent… Au cours de ce voyage, on découvre également avec les personnages différents endroits du Japon, leurs traditions et leurs spécialités : bien que le but de ce périple soit le pays des morts, la joie est toujours présente, et j’ai trouvé que l’équilibre entre drame et humour était ici plutôt bien dosé, pour mieux servir le propos du récit.

D’un point de vue graphique, c’est une grande réussite. Outre la couverture que je trouve vraiment sublime, les planches et le découpage sont un régal pour les yeux ! Les ambiances sont très travaillées, avec une foule de détails au niveau des décors ultra-réalistes, qui figurent souvent des lieux touristiques réels, ou encore des tenues ou des cheveux des personnages. À mon sens, le mangaka a beaucoup de talent, et iel le déploie ici tantôt avec énergie dans des scènes très dynamiques ou bien avec grâce dans des moments plus intimistes et empreints d’émotion. L’utilisation d’éléments végétaux, comme des fleurs ou des feuilles, pour habiller la majorité des planches en lien avec les souvenirs de Mika ou ses pensées, est une très belle idée ! Il doit sans doute y avoir un symbolisme important derrière cela, qui m’échappe pour le moment : peut-être sera-t-il plus clair dans les tomes suivants ?

J’ai donc eu un gros coup de cœur pour le premier tome de cette série qui en comptera trois au total. Je suis vraiment ravi d’avoir découvert l’univers de Yuhki Kamatani avec cette œuvre qui allie beauté graphique à un récit plein d’émotions, avec une touche de surnaturel. Le périple de Mika et ses compagnons s’achèvera-t-il comme prévu jusqu’au pays de Yomi, ou bien trouveront-ils, grâce aux moments qu’ils partageront et aux rencontres qu’ils feront, de nouvelles raisons de poursuivre leur existence ? Je suis impatient de le savoir !    


Hiraeth, la fin du voyage – Tome 1, de Yuhki Kamatani
Akata éditions
8,05 €
Sortie française le 22 septembre 2022

2 commentaires sur “Hiraeth, la fin du voyage – tome 1, Yuhki Kamatani

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