Jeunesse

Anne de Green Gables, Lucy Maud Montgomery

Si vous m’appelez Anne avec un e, je tâcherai de me faire à l’idée de ne pas être appelée Cordélia. (page 35)

C’est avec la série Netflix « Anne with an E » que j’ai connu cette histoire. Je n’en ai entendu que du bien, pour autant je ne voulais pas la regarder avant d’avoir lu le livre d’où est tirée l’histoire pour éviter de me gâcher le plaisir de l’imagination ! Aussi, je remercie grandement Babelio et les éditions Monsieur Toussaint Louverture pour l’envoi de ce superbe roman et pour cette découverte !

Sur les réseaux, j’ai vu plusieurs publications de la maison d’édition qui expliquaient la conception de la couverture et les problèmes rencontrés pour aboutir à ce magnifique objet livre, fin et élégant. On sent une volonté affirmée de l’éditeur de proposer à la fois une redécouverte de ce classique de la littérature à travers une nouvelle traduction, mais aussi de proposer un bel objet livre à exposer. En atteste cette page, à la fin du roman, qui explique la composition des éléments de création de l’ouvrage. La couverture a donc fait l’objet d’un soin particulier de la part de l’éditeur, c’est magnifique ! Elle représente Anne observant le paysage de l’île du Prince Édouard perchée sur une branche, sous le soleil couchant. La couverture brille et vacille du nacré au rosé en fonction de la luminosité, comme si le regard d’Anne, avec son imagination, rendait ce paysage insulaire d’une beauté irréelle. C’est superbe, je ne me lasse pas de la regarder ! Ce livre sera exposé fièrement à une place de choix dans ma bibliothèque.

Matthew et Marilla Cuthbert, frère et sœur, ont pris de l’âge et n’ont jamais eu l’occasion de fonder une famille. Ils vivent ensemble à Green Gables, une jolie propriété fermière sur l’île du Prince Édouard. Pour pouvoir se reposer, ils décident d’adopter un garçon pour les aider à la ferme en échange d’une éducation. Or, lorsque Matthew va chercher l’enfant à la gare, ce n’est pas un garçon mais une petite fille toute rousse et bien bavarde qui l’attend. Extatique, Anne Shirley va toucher cette famille qui va l’adopter, avec sa façon de voir le monde. Commence alors un récit sur le passage de l’enfance à l’adolescence à travers la jeune Anne qui va évoluer page après page et qui va s’épanouir à Green Gables, auprès de sa nouvelle famille et des amis qu’elle va se faire.

Au début, la logorrhée interminable d’Anne m’a surprise et quelque peu saoulée, mais ça n’a pas duré longtemps ! Elle s’étonne de tout avec extase, elle nous emporte dans ses descriptions des paysages oniriques et, à travers son imagination, elle arrive à rendre poétique tout ce qu’elle voit. La nature flamboie et brille autour d’Anne, alimentant son imagination inépuisable. C’est dans les petits détails de la vie de tous les jours, que l’on pourrait penser sans intérêt ou que l’on ne voit plus, qu’Anne trouve de la beauté. Ainsi, le reflet du soleil sur l’eau d’un lac, les fleurs d’un pommier au printemps ou un bourdon dans un géranium sont autant d’images qui l’envoient immédiatement dans ses rêves. Elle s’émerveille de la nature comme si, comme elle le dit elle-même, elle devenait le personnage d’un roman. C’est son imagination qui lui permet de se satisfaire de peu et de trouver en chaque situation du romanesque. Comme lorsqu’elle était orpheline et seule, et qu’elle s’est inventé des amies imaginaires si réelles qu’elle a été triste quand elle a dû changer de maison. Anne vit tout avec passion, sans barrière aucune. Sa jeunesse lui permet de ne pas se mesurer. Elle prend donc tout très à cœur et elle ressent chaque joie ou chaque déception de manière décuplée, sans recul.

Les gens parlent d’Anne comme d’une sorcière, et quelque part elle en est une. Elle ensorcèle toutes les personnes qu’elle rencontre sur l’île. Elle commence avec Matthew Cuthbert, ce vieux garçon timide qui a du mal à parler aux femmes et encore plus à exprimer ce qu’il ressent. Malgré son âge, c’est grâce à Anne qu’il ose s’affirmer. Pour sa sœur, cela met plus de temps. Marilla est fière, peu habituée aux effusions. Elle contrôle ses émotions depuis toujours, ne laissant rien paraître. Mais elle s’attache à Anne au fil des jours, jusqu’à la considérer comme sa fille. Petit à petit, ses émotions ressortent et Marilla peut enfin se dérider. On remarque d’ailleurs que toutes les personnes plus âgées et souvent très aigries sont bouleversées par la sincérité d’Anne jusqu’à finir par l’aimer, comme si elle amenait de la couleur et de la joie à chaque personne qu’elle rencontre. La jeune Anne va aussi à l’école et rencontre des enfants de son âge. Leur relation va se complexifier à mesure que la jeune fille grandit.

L’histoire est simple, il n’y a pas de surprise. Mais le talent de l’autrice réside justement dans la simplicité du quotidien, ou comment créer une situation dramatique ou sublime à travers des choses aussi simples que de traverser un lac ou bien de ne pas pouvoir aller à un pique-nique ? Il y a aussi beaucoup d’humour dans ce texte, dans les galères dans lesquelles se met Anne, mais aussi dans la façon dont elle se comporte avec les autres. Je pense notamment à ce pauvre Gilbert Blythe à qui Anne en veut tellement qu’elle se refuse même à prononcer son nom. Grâce à Gilbert, on voit naître chez Anne un esprit de compétition fort. Cette relation conflictuelle sera l’occasion pour elle de tout donner et de se dépasser pour réussir. Ce roman montre que rien n’est défini à l’avance, et qu’en travaillant avec acharnement une petite orpheline, avec un peu de chance et de l’imagination, peut, elle aussi, réussir dans la vie.

J’ai trouvé cet aspect du roman particulièrement intéressant, d’autant plus qu’il permet le développement d’une dimension féministe à travers le personnage d’Anne. À l’heure où les femmes se doivent d’être de bonnes épouses, de bonnes hôtesses, qu’elles doivent soutenir leur mari et que chacun de leurs actes est jugé par rapport à la morale, Anne casse ces codes et écrase ses adversaires. Ambitieuse, elle veut travailler, faire des études, obtenir une bourse prestigieuse et elle y arrive ! Marilla aussi est un personnage féminin intéressant, par son statut de vieille fille et ses nombreux préjugés qu’Anne démonte régulièrement. J’ai beaucoup aimé que l’autrice aborde ce type de sujet dans un livre jeunesse, je trouve cela assez avant-gardiste pour l’époque.

J’ai donc adoré ce livre qui m’a entièrement charmée ! J’ai vibré pour cette île que j’ai maintenant envie de visiter, pour cette petit fille intense et passionnée, et pour ses personnages si attachants ! Je lirai la suite, c’est une certitude !

Anne de Green Gables de Lucy Maud Montgomery
Édition Monsieur Toussaint Louverture
16.50 €
Sortie française le 22 octobre 2020

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