Les coups de cœur de Starmo !·Manga

La Forêt aux lapins – tome 2, Enjo

Comment veux-tu que Tamaki se livre de façon intime si tu ne lui dis pas non plus ce que tu penses vraiment ? (Tome 2)

Honnêtement, j’ai pas mal hésité à faire ce post. J’ai lu beaucoup d’avis sur ce deuxième tome de La Forêt aux lapins et la plupart, voire presque tous, n’ont pas aimé. Le gros problème du manga, c’est le comportement de Shii qui fait du forcing envers Tamaki et qui, de ce fait, n’a pas respecté son consentement.

De mon côté, j’ai eu un énorme coup de cœur pour le premier tome qui met en place une relation désespérée entre deux amis d’enfance qui ont un rapport à l’amour, et à la sexualité, biaisé, teinté de culpabilité. J’ai adoré cette lecture, l’ambiance, les personnages et le dessin, incroyable.

Aussi, en attendant la sortie du tome 2, j’ai lu la précédente duologie d’Enjo, Depth of field, qui était une lecture plutôt mitigée. Il y a justement un problème de consentement dans le premier tome qui m’a mis énormément mal à l’aise. J’ai donc eu du mal à apprécier le personnage, et la lecture du coup, malgré des qualités indéniables (heureusement, le deuxième tome est mieux).

Mais, et c’est là que j’en viens à mon hésitation à publier mon avis ou non, quand j’ai lu le tome 2 de La Forêt aux lapins, je ne cache pas avoir eu un coup de cœur à la hauteur du précédent… J’ai hésité à en parler non pas par peur d’avoir un avis différent des autres, mais parce qu’il a fallu que je réfléchisse vraiment à ce qui m’avait plu à ce point pour que le problème de consentement dans ce manga, aspect que je dénonce habituellement, qui pourrit mes lectures et que je ne remets absolument pas en question ici, n’empêche pas mon coup de cœur.

Pour résumer, suite aux événements du tome 1, Shii sort avec Tamaki pour un an après avoir gagné son pari. C’est la meilleure chose qui lui soit arrivée depuis longtemps, lui qui pensait ne jamais pouvoir être proche de Tamaki comme il le rêvait. Et alors qu’il essaie d’installer une certaine intimité entre eux, il se rend compte que Tamaki n’est pas juste pas attiré par les filles : éprouver du plaisir le dégoûte. Aussi, réussira-t-il à aider Tamaki avec son traumatisme, ou bien ne va-t-il pas abandonner devant l’ampleur d’un problème qui le dépasse ?

Avant toute chose, si vous ne souhaitez pas être spoilés de l’histoire, alors lisez le tome avant, parce que je vais parler des événements du tome 2 en faisant mon maximum pour en dire le moins possible, mais c’est certain qu’il y aura du spoil !

Cela étant dit, la première chose à noter est le talent graphique de la mangaka que je trouve absolument superbe. J’aime les visages, les expressions, la mise en scène des cases, les détails aussi avec la présence d’imperfection physique et l’intimité générale qui se dégage du tome. Ce que j’ai trouvé particulièrement bien réalisé, c’est la façon dont est montrée l’anxiété de Tamaki. L’ambiance malsaine est perceptible et on ne peut que compatir.

Car Tamaki est bien traumatisé par la maltraitance qu’il a subi tout au long de son enfance, qui lui a laissé un dégoût profond pour le sexe et pour lui-même. J’ai lu beaucoup d’avis disant que Tamaki est asexuel, or je ne suis pas d’accord. Selon Wikipédia, l’asexualité c’est « l’état d’une personne (asexuelle) qui ne ressent peu ou pas d’attirance sexuelle pour une autre personne ni/ou pour elle-même ». Il est vrai qu’au premier abord, c’est ce que l’on nous montre, et Tamaki lui-même se pose des questions dans le premier tome. Mais plutôt que de ne pas éprouver de désir sexuel, il le rejette. En fait, j’ai eu l’impression que la mangaka proposait dans ce manga deux personnages qui ont construit leur rapport à la sexualité à travers la culpabilité. Shii se sent coupable de ressentir du désir pour son ami d’enfance, seule personne d’ailleurs qui ne l’ait jamais attiré, au point de s’éloigner volontairement de lui et chercher un partenaire qui lui ressemble ; Tamaki, lui, se sent coupable d’éprouver du désir tout court, il associe cela au pire de l’être humain et se déteste d’en ressentir. Son traumatisme est si fort qu’il ne peut supporter de ressentir du désir, alors il fait tout pour l’éviter. Il le confirme à Shii qui essaye de comprendre, à savoir qu’il a du désir mais qu’il ne veut pas en avoir. C’est cette nuance qui me fait dire que ce n’est pas de l’asexualité.

Je pense que ce que j’aime dans le manga, c’est la complexité des émotions et l’évolution de chaque personnage que je trouve juste et réaliste. Déjà, il faut noter qu’ils sont jeunes. Si Tamaki est un peu plus âgé, Shii, lui, est en seconde. Aussi, en tant qu’adolescent en pleine construction, il est difficile d’avoir le recul nécessaire pour évaluer une situation aussi difficile que celle de Tamaki. Shii, comme tout ado, est centré sur lui. Il le dit lui-même, il ne s’est jamais vraiment posé de question sur la vie de Tamaki. Voulait-il même le savoir ? Tourné vers lui-même, seules ses envies comptent. Il ne comprend d’ailleurs pas tout de suite l’ampleur du problème. Si Tamaki est plutôt sincère, Shii réalise réellement qu’il est dépassé qu’à la fin du tome 2.

Or, entre-temps, il a agressé sexuellement son ami en pensant le « débloquer ». Sans parler du forcing qu’il fait tout du long pour convaincre Tamaki d’aller plus loin avec lui. Ses actes sont inexcusables. Mais contrairement à d’autres titres (dont le premier tome de Depth of field), et ce n’est que mon ressenti, je ne trouve pas que la mangaka normalise l’agression. Au contraire, il y a une scène forte où Tamaki réagit et je n’en dirai pas plus pour éviter trop de spoils, mais c’est intense ! Ensuite, Shii réfléchit réellement à ses actes, jusqu’à s’excuser sincèrement. Et même si c’est fait avec humour, c’est fait quand même, ce que je trouve appréciable. Et vers la fin du tome, les deux amis arrivent enfin à communiquer et surtout à s’écouter en respectant le consentement de l’autre.

Aussi, on se rend bien compte de la complexité de la série qui pourrait seulement raconter une classique romance entre amis d’enfance, mais qui, en fait, aborde des thématiques difficiles avec des personnages imparfaits. Et pour toutes ces raisons, la série est toujours un coup de cœur pour moi ! J’attends impatiemment la sortie du tome 3, mais j’avoue que j’appréhende un peu. J’espère que la suite sera à la hauteur, que Shii va continuer à mûrir et que Tamaki réussira à dépasser son trauma…

En attendant, on peut toujours admirer ensemble les superbes couvertures du magazine de prépublication japonais Craft qui met à l’honneur la série pour ses volumes 77 (2018), 88 (2020) et 95 (2022) :


La Forêt aux lapins – tome 2, de Enjo
Hana éditions
7.95 €
Sortie française le 29 septembre 2021

2 commentaires sur “La Forêt aux lapins – tome 2, Enjo

  1. Ton bel avis bien argumenté et plutôt juste quand je le lis me donne envie de revenir sur cette lecture et de reprendre la série depuis le début sous ce prisme. Cela me permettra peut-être de voir aussi cette construction complexe qui m’a un peu échappé ><

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    1. Merci ☺️ J’espère que tu apprécieras mieux la série si tu la relis ! ☺️ C’est vraiment rare que j’apprécie une série où il y a des pb de consentement, mais là j’ai vraiment eu l’impression que ça participait à la quête d’identité de personnages perdus dans toutes leurs émotions, tout ça. En tout cas, j’espère que maintenant que les erreurs ont été commises, il ne se passera pas la même chose dans le tome 3 parce que là, pour le coup, ça va être difficile à défendre ! 🙂

      Aimé par 1 personne

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